Cambodge

Du 25/07/04 jusqu'au 14/08/04

 

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Depuis près de deux semaines, je rêvais de Bangkok, grande ville, rues lumineuses et pavées, produits à gogo dans les supermarchés,... Mon Lonely Planet rabajoie mentionne la pollution, les bouchons et je m'imagine un immense et confus Saigon avec des milliers de mobylettes. Me voilà depuis quelques heures dans la capitale thailandaise, Kao San Road, ses enseignes lumineuses, ses McDo et Burger King, ses 7 Eleven. J'en frissonne de bonheur. Ses bouchons, certes, mais de voitures, évidemment!

Je suis à Bangkok pour faire un break et faire le point sur mes 20 jours au Cambodge. Je ne sais par ou commencer, je crois que je vais donc repartir du début et suivre la rassurante linéarité des jours passés.

25/07 : Arrivée au Cambodge

Je pars de Saigon vers 7h30 pour arriver à la frontière vers 11h. Le ciel s'assombrit de plus en plus. Le désordre règne pour obtenir le tampon de sortie du territoire. Et puis, nous reprenons les sacs, traversons une barrière et on se retrouve à piétiner dans la boue, autour des poulets et des cochons et une odeur forte d'égout pour rejoindre la douane cambodgienne. Quelques longues minutes d'attente de plus et nous voici vraiment au Cambodge, passeport visé en poche, sous une pluie torrentielle et dans la boue. Bienvenue!

Le changement est radical entre le Vietnam et le Cambodge. Les routes sont en nettement moins bon état, même s'il semble qu'elles ont largement été ameliorées ces dernières années : le trajet frontière - Phnom Penh est même totalement asphalté ! Les pagodes khmères sont en cours de reconstruction ou construction un peu partout., comme le sont les églises orthodoxes en Russie. Les maisons sur pilotis longent le bord de la route. De celle-ci partent également de nombreuses routes en terre qui s'enfoncent dans les rizières et les cocotiers à l'infini. Je me demande ce qui se trouve derrière les portes qui célèbrent le début de ces routes qui ne semblent jamais finir. Le Cambodge est plat, infiniment plat sur plus de la moitié de son territoire. Les seuls dénivelés de la route sont les nids de poule, qui ne manquent pas.

Le centre colonial de Phnom Penh est relativement beau et agréable. Je suis surprise le premier soir par sa grandeur et de l'abondance que dégagent les vitrines. Je vais vite comprendre que seules quelques rues, les artères principales sont éclairées, pavées et presque propres. Le reste est une succesion de ruelles non pavées, sans égouts, ni éclairage public où les ordures traînent nauséabondes.

Je suis etonnée par les prix, presque toujours en dollars, qui me paraissent incompréhensiblement élevés pour le pays, en tout cas nettement superieurs à ceux du Vietnam. Une fausse dollarisation existe de fait dans le pays. Un dollar égale 4000 riels, presque indifféremment du taux de change officiel. Si les prix des hébergements sont corrects, il est dur de manger pour moins d'un dollar, même dans les bouibouis de rues. Comment, dans ces conditions, les Cambodgiens, dont le salaire moyen officiel est de 30 dollars par mois, peuvent-ils se nourrir ?

Un lourd passé récent

S-21 S-21

Les mutilés dans les rues, les multiples affiches édifiantes pour rendre les armes ou éviter de les utiliser contre son voisin sont des témoins du passé récent qui secoue encore le Cambodge. En 1975, un véritable génocide orchestré par Pol Pot et ses factions communistes Khmers Rouges a décimé un quart de la population cambodgienne. Tout lettré, toute personne émettant une opinion, toute personne dénoncée par ses voisins comme ayant des idées a été torturé ou envoyé dans des camps de réhabilitation, entendre les travaux forcés. En moins de cinq ans, plus de un million de morts, des milliers de torturés de la manière de la plus brutale, des enfants convertis en soldats et tortionnaires. Il y a de cela 20 ans. La visite de Tong Sloeung, école transformée en prison ou 15000 personnes sont mortes, propose une série de photos de quelques milliers de ces prisonniers avec un grand vide dans les yeux.

Phnom Penh, capitale touristique!

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A mieux la connaître, le charme des maisons coloniales décrépies de Phnom Penh s'estompe vite pour laisser l'impression d'une petite ville triste, qui cherche à se sauver de la misère en attirant les devises étrangères dans ses bars, avec ses filles et sa drogue.

Victimes de guerre Pompe a essence! Delice local marché - viande marché - bananes marché - poisson Tonle Sap Vache qui rit

Le spectacle des rues de Phnom Penh est souvent plus cru, plus odorant, plus coloré mais aussi plus triste et miteux que dans les autres villes asiatiques que je viens de traverser. Je ne m'étonne meme plus de la boue et je rentre tous les soirs les pieds marron rouge de terre. Je m'amuse des vendeurs d'essence en bouteille de whiskey, je profite du coucher de soleil le long du Tonle sap et du spectacle des gamins qui se baignent.

statue statue du dragon jaune

Je vous épargne les détails de visite et les photos du palais royal et des nombreux vats, temples, de la ville, tous beaux mais pas exceptionnels, tous identiques, tous ultracolorés. Je suis finalement plus marquée par l'art de la statuaire cambodgienne : les ronds-points et places publiques des villes et villages sont décorés de dragons jaunes, colombes blanchâtres, globes terrestres, pistolets, familles multichromes en terre qui rivalisent de mauvais gout aussi bien dans les materiaux utilisés que dans les sujets abordés, ce qui est moins pardonnable.

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Les instants de tranquille bonheur à Phnom Penh, c'est au bord du lac, à profiter des couchers de soleil en sirotant un fruit shake étendue sur les canapés de ma guest house. Pour 4 dollars la chambre, certes basique mais très propre et lumineuse, je recommande vivement la 9 Sister Guest House - admirez la sobriété des noms d'hôtels en Asie du sud-est.

Un de ces soirs-là, cherchant à me concentrer sur mon Graham Greene, mes oreilles écoutent distraitement les débuts d'une conversation entre deux français. "Tiens, regarde ce que j 'ai trouvé au marché russe. C'est de la bonne. Essaie"..."En effet, rare ici! Combien?... Comme je m'ennuie au Cambodge, vivement le Vietnam. La Thailande, c'est tout de même mieux, les filles,..., ici, l'herbe, ca peut aller, mais les filles, je m'ennuie..." Je change de place, je ne veux plus les écouter. Un de ces messieurs semblent passer ses cinq semaines de vacances tous les ans dans la région, forcément, je ne mets pas en cause ses assertions mais je suis chaque fois plus écoeurée quand je croise dans la rue un blanc, 40-60 ans, rougeaud, bidonnant, arborant fièrement marcel et jeunesse locale à ses côtés.

Peut-être conditionnée par le dernier livre que j'ai lu, "Off the trails of Phnom Penh", je remarque aussi plus vivement qu'ailleurs la série des voyageurs paumés ou désorientés, qui atterrissent à Phnom Penh et ne peuvent en repartir. Plusieurs fois, je croise un hollandais accompagné d'un chien miteux et pas commode, démarche chaloupée, regard hagard, propos incohérents. Plaie du quartier touristique et des restaurateurs du coin, il est là et ailleurs en même temps. Il n'est pas le seul.

Parmi tout cela, je rencontre tout de même des gens très bien, dont Forsen (Norvège) avec qui je passe la frontière et le premier jour à Phnom Penh, puis Natalie (UK) qui me parle des affiches de Mr Chum et plus tard dans la même semaine Alexandre. Un cru exceptionnel, surtout pour une grande ville où il est toujours plus dur de rencontrer des gens!

Kratie et les dauphins d'eau douce

kratie

Kratie est un village au bord du Mékong à 250 kilomètres et un peu plus de six - sept heures de minivan de Phom Penh en direction du Laos. Kratie est un des rares endroits où l'on voir des dauphins d'eau douce, avoir un bon hôtel pas cher avec un superbe balcon et de l'eau chaude et manger un délicieux gateau à la cannelle, trois bonnes raisons qui justifient parfaitement les 15 heures de transport aller-retour!

Mekong

Après trois jours relativement tranquilles, à Phnom Penh, ponctués par quelques visites mais surtout de la lecture et des films, je prends donc un billet pour Kratie. Le minivan est presque vide : trois ou quatre locaux, trois italiens dont deux que nous attendons patiemment une bonne heure avant de partir, et un français, Alexandre. Sept heures plus tard, des milliers de cocotiers et de rizières plus tard, nous arrivons à Kratie et nous devons lutter contre les rabatteurs pour finalement trouver une chambre dans un bel hôtel avec un superbe balcon avec vue sur le Mékong.

LemuriensKratie n'a vraiment rien d'exceptionnel : des maisons coloniales décaties, un marché central puant et il pleut à verses dès 16 heures, ce qui nous confirme dans le fait de n'aller voir les dauphins que le lendemain matin. Nous notons au passage que les animaux de compagnie de Kratie sont différents d'ailleurs. Mais sont-ce réellement des animaux de compagnie?

Nous réservons finalement deux motos pour un tour incluant les dauphins et le trajet jusqu'à Sambor, à une trentaine de kilomètres au nord de Kratie. La perspective de trente kilomètres en moto de mauvaise route ne me motive que moyennement mais l'enthousiasme d'Alexandre achève de me convaincre.

Sambor

60km a moto

Trente kilomètres à moto, aller seulement, c'est long mais la route est presque potable maintenant. Il fait beau et de plus en plus chaud, les maisons sur pilotis défilent, les hommes jouent aux cartes, quelques femmes s'affairent aux choses de la maison, d'autres sont assises le regard dans le vide. J'ai l'impression que rien se passe et rien ne se passera jamais dans cet endroit qui devait être relativement identique il y a un siècle ou deux.

Et pourtant il y a a peu près tout le necessaire a Sambor et meme un poste internet, dont je ne saurai pas s'il fonctionne aussi bien que celui de Kratie en panne depuis une semaine. Nous visitons le village et le temple, le plus grand du Cambodge et un des rares a avoir été relativement épargné par les Khmers Rouges.

Sambor - temple et vache Sambor - detail temple Sambor - detail temple Sambor - detail pagode Sambor - detail pagode Sambor - une maison sambor - les moines Sambor - Affiche et pompe a essence

Les dauphins

Barque Arbres dans le Mekong Dauphins

Nous avons fait tout ce chemin juste pour eux, nous voilà enfin à l'embarcadère. Un vieux bateau à moteur et rideaux roses nous conduit dans un rafut incroyable vers les dauphins. Le trajet est bien long dans ce bruit lorsqu'enfin le chauffeur arrête son moteur et signale un mouvement dans l'eau. Je l'ai vu trop tard, dommage. Ce scénario va se répéter pendant une bonne vingtaine de minutes, peut-être plus. Un mouvement d'eau, un aileron qui indubitablement matérialise un dauphin et un petit regret de ne pas les voir plus près. Lassés, nous repartons lorsque le système d'injection du moteur présente une petite faiblesse et le moteur commence à perdre son essence. Grâce à nous, il faut bien le dire, le chauffeur arrive à nous conduire à bon port, ne nous dit pas merci et repart aussitôt avec une nouvelle cargaison de touristes, quatre jeunes femmes qui, j'espère, ont pu rentrer à bon port et sans frayeur. Après réflexion, nous nous convaincons qu'il était mieux de ne pas leur mentionner le problème moteur car de toute façon, elles allaient devoir prendre ce bateau.

Temple

Les dauphins sont une grosse déception mais le trajet en moto jusqu'a Sambor, le stress de la panne au milieu du Mekong et la vue de la seule colline des alentours compensent largement.

Kratie - Affiche

Nous avons vu ce qu'il y avait à voir à Kratie. Après un fruit shake assaisonné de piqures de moustiques, un dernier repas frite - cinnamon cake - Earl Grey me rappelle les bonheurs de la civilisation, du progrès et du capitalisme dont nous jouissons au quotidien dans notre beau pays sans même les apprécier.

Le retour sur Phnom Penh

Le trajet de retour sur Phnom Penh sera finalement une des expériences les plus marquantes de ces trois jours. Afin d'éviter le minivan qui n'est pas des plus confortables, nous achetons des billets pour un vrai bus, avec une vraie place et de l'air conditionné, enfin, une soufflerie mais c'est déja ca. Ces bus, tout comme au vietnam, s'arrêtent systématiquement toutes les deux heures pour des pauses toilettes et rotation de chauffeur et toutes les 4 heures pour un repas. Une plutôt bonne habitude!

Premier arret sur le cheminAffiche - 1 Affiche - 2

Le premier stop, avant Kompong Cham, dans un petit village assez typique me donne la chair de poule. Nous prenons un Coca-Cola dans un des endroits les plus sales que j'ai vu au Cambodge. Alexandre pose gentiment pour témoigner. La place centrale du village est agrémentée de quelqu'unes des affiches qui font le charme du Cambodge, les mototaxis qui gentiment et spontanément posent pour moi ne savent visiblement dire qu'une phrase en anglais : "Are you crasy?" et sous une autre affiche un crêve-la-faim ramasse un trognon de mais qui traîne dans la boue et le mange. C'est la première fois et la seule fois que je vois dans un petit village un tel geste, qui dépasse la traditionnelle entraide entre gens du village.

Mygale Mygale -moi Mygale - Alex

Le deuxième stop, c'est la traditionnelle pause repas. Je commande généralement du riz avec des légumes et éventuellement du poulet, pas de surprise. Sauf que là, nous sommes près de Sluong et la traditionnelle cohorte de gamins qui, pour se faire quelques sous, vend des fruits ou des boissons vend ici en plus le mets typique de la région : la mygale cuisinée. Evidemment, il faut essayer pour savoir si l'on est capable d'avaler cela. Alexandre n'hésite pas et attaque les pattes. J'essaie avec beaucoup plus d'appréhension et apprécie moyennement le contact des poils de la bête contre mon palais. Croustillant, au goût de la sauce, c'est mangeable mais certainement pas très nourrissant. Avec confiance, Alexandre attaque la tête après avoir enlevé les crochets, j'en goute une petite moitié. L'abdomen présente une autre difficulté : il faut savoir quoi manger, quoi éviter. L'abdomen est déja beaucoup plus fort en goût, j'ai du mal à en avaler plus d'une micro fraction. Je crois que ce sera tout pour moi pour aujourd'hui. C'est juste une simple bête bien morte et bien cuite mais je sens que Fear Factor, ce n'est pas encore pour moi. Une expérience stressante et marquante, ce qui explique les photos que je mets en ligne malgré leur peu de qualité artistique et le flou!

Voila, merci M. Fear Factor pour ces trois jours en ta compagnie! Mon premier francais voyageur!

Angtasom, Crys teacher

Natalie

Natalie et moi nous retouvons, comme convenu, le 1er aout au 9 Sister, dans le but de partir le lendemain pour retrouver Mr Chum, dont des affiches dans différentes guest houses du quartier nous font découvrir le besoin en professeur d'anglais, même sans expérience. Nous manquons le fameux Mr Chum qui nous a laissé sa carte à la réception et décidons d'aller de nous-même le rejoindre dans son village.

gamins du village - ecole

Le trajet est épique: minivan jusqu'à Takeo, puis taxi jusqu'à une ville intermédiaire, taxi que je refuse de payer car il devait nous conduire jusqu'à l'école mais nous laisse à semble-t-il quinze kilometres, juste devant une de ces fameuses portes de routes qui conduisent je ne sais pas où. Il s'en tirera finalement avec un demi-dollar, à prendre ou à laisser. De là, nous prenons un nouveau moyen de transport : le "remorque", moto 125 cm3 attelée à une remorque métallique qui peut contenir une vingtaine de cambodgiens et leur marchandise. Après la route en terre, nous prenons une perpendiculaire encore plus fine pour arriver enfin dans un petit village devant une porte de maison partiellement sur pilotis. Nous voilà chez Mr Chum!

recreation

A peine arrivées, nous déposons les sacs dans une pièce et partons visiter une école où un groupe de 4 jeunes femmes volontaires animent deux classes d'environ 40 gamins dans des bâtiments typiques d'école cambodgienne : bâtiments bas jaunes entourés d'un auvent et disposés autour d'une grande cour où s'entassent arbres, herbes folles et vélos, ainsi que quelques vendeurs lors des récréations. C'est d'ailleurs grâce à un de ces vendeurs que je vais d'ailleurs découvrir la glace au durian, 100 riels pour un arrière gout qui dure, qui dure...

Les petits

Nous avons ensuite 20 minutes pour préparer notre cours à des "plus avancés". Nous ne savons rien des élèves, de leur niveau, de ce qu'ils ont appris les semaines précédentes. Je me sens mal à l'aise dans ces conditions pour leur apporter une véritable valeur ajoutée. Nous reprenons les motos pour arriver dans une autre maison garage qui est la salle de cours de ces derniers : un tableau noir, quelques craies, un tapis au sol. c'est tout pour le mobilier. Les étudiants en effet plus âgés, de 13 à 33 ans après sondage, et au niveau plus elevé, arrivent peu à peu, comme s'il n'y avait pas vraiment d'heure de début. Nous nous présentons et avons droit aux questions habituelles : quel âge? mariées? Tu aimes le Cambodge, le sport, la musique? Tu es allée à Angkor ?,... Je décide de leur faire comprendre que parler à des touristes, ce n'est pas répéter une succession de questions sans chercher à comprendre les réponses, c'est aussi répondre à des questions, en particulier sur leur pays. C'est ce que nous pratiquerons le dernier jour, mais là, pour répondre aux attentes de Mr Chum, nous travaillons le vocabulaire avec une liste de mots que nous avons choisi de leur apprendre. C'est un bon moyen de tester leurs connaissances et leurs réactions, mais je laisse essentiellement Natalie mener le cours car je ne me sens décidement pas à l'aise pour travailler à l'aveugle, sans savoir quelle valeur ajoutée peuvent avoir mes efforts. Le premier cours se passe malgre tout bien et le simple fait de faire pratiquer les prononciations et l'utilisation des pronoms semblent bénéfiques.

Les cours du matin

Je n'arrive toutefois toujours pas à comprendre comment et pourquoi des gens de niveaux aussi héterogenes se retrouvent dans ces cours. Ce n'est hélas pas Mr Chum qui répondra à nos questions. Fait troublant de tout le séjour, Mr Chum, contrairement à nos élèves et aux jeunes du village, ne semble pas s'intéresser à nous et à nous impliquer pour l'aider. Franchement, après 5 jours, je n'arrive pas à cerner les intentions de Mr Chum. Si j'etais méfiante à notre rencontre et Natalie plutôt optimiste, la situation s'est presque inversée au cours de notre séjour.

Les petits - autre classeJe crois qu'il aime sincèrement aider les jeunes de son village mais je ne comprends pas pourquoi il s'est lancé dans ce projet, comment, avec quel soutien, d'où vient l'argent, comment il gagne sa vie. Ses réponses sont énigmatiques et ses demandes déguisées d'argent me font tristement sourire mais finissent par exaspérer Natalie. Avant de partir, Natalie lui exprime nos griefs et notre déception de son attitude, il nous répond que c'est sa culture de ne pas oser demander de l'argent et d'agir ainsi. Je le crois mais je reste sur ma faim.

lecon perroquet

Good afternoon, teacher. Les jours passent et les cours se succèdent. Je commence à mieux connaître mes élèves. Les plus jeunes ne comprennent aucune phrase et j'ai bien du mal à avancer avec eux. Mon assistante veut leur faire rabâcher bêtement des mots, du genre Xylophone. J'essaie de lui expliquer que cela ne sert à rien de répéter des mots sans sens mais c'est visiblement la seule technique connue au Cambodge ; j'en ressens une frustration énorme. J'essaie d'interroger les éleves un par un pour les faire tous parler. Je suis touchée par leur candeur et leur respect envers moi. 2 eleves de 12 ansFinalement, je fais le tour de la classe sous prétexte de travailler les chiffres en leur demandant leur âge : de 8 à 13 ans, j'aurais pensé que ces si petits et timides enfants étaient beaucoup plus jeunes. Je ne peux m'empêcher de penser à une scène du film Killing Fields - La Déchirure, où l'on voit des enfants du même age apprendre à désapprendre les notions essentielles de famille, de respect. Ce sont les parents ou les grands parents des enfants qui sont sous mes yeux qui ont été convertis par intimidation en tortionnaires. Que deviendront ces enfants ?

Les avances

Le cours des plus avancés est un moment de bonheur. Une fois de plus, je suis fascinée par ces jeunes qui n'osent pas dire non, n'osent pas dire qu'ils ne comprennent pas sans que j'arrête le cours jusqu'à ce qu'ils avouent ne pas comprendre. Apres nous être englués dans des considérations grammaticales sur l'emploi des temps, notion inconnue en khmer, nous discutons et au bout de quatre jours, la discussion sort enfin des questions stéréotypes qu'ils ont appris par coeur. Je suis triste de les quitter si vite et je regrette de ne pas leur avoir dit qu revoir car Mr Chum décide au dernier moment d'affecter à ma place à ce cours une autre volontaire arrivée la veille et qui loge près de l'ecole. J'espère que mon message d'au revoir leur aura été transmis. Une jeune fille m'a offert un petit bracelet de tissu que je porte en ce moment, j'espérais profiter de mon dernier jour avec eux pour leur montrer des photos de France et du monde.

Nous profitons du séjour pour decouvrir la vie qui se cache au fond de la route. Après la route de terre, il y a encore d'autres routes plus fines au milieu des rizières pour atteindre les maisons les plus éloignées, les plus pauvres. Les enfants y ont souvent les cheveux sales et des haillons qui cachent mal leurs petits ventres ballonnés.

chambre

Le logement est offert. Pas le grand luxe, mais nous pouvons tout de même partager un matelas et la moustiquaire n'a qu'un petit trou, soit beaucoup moins que ceux qui jonchent le plancher. La nuit, je découvre un autre habitant du Cambodge : le Dacko, charmant gros lézard que je n'arrive pas à voir mais que je reconnais par son râlement caractéristique : "Dackooo, Dackoo, Dackoo...!"

gamins du village - mare

Pour la toilette, c'est plus dur, il ne pleut presque pas pendant notre séjour et l'eau du bassin commence à croupir et verdir. On commence à se demander si l'eau ne nous salit pas. Pour le linge, j'abandonne l'idée d'utiliser la mare pour laver ma chemise et je porte des affaires de plus en plus orange terre. L'odeur n'est de toute facon pas un problème car elle est couverte par le tenace parfum de citronnelle du repousse-moustique!

gamins du village - charette

Pour la nourriture, c'est simple : nouilles le matin, riz le midi et le soir agrémenté spécialement pour nous de pousses de bamboos, de morning glory, de crapauds, de porc ou d'omelette et toujours d'un petit peu de gras. Pour les gens du village, c'est encore plus simple : riz, avec un peu de sauce et de gras, parfois des légumes. Mon petit estomac commence à se tendre au bout de quelques jours mais heureusement, j'ai les moyens de me rendre au marché et d'acheter des fibres et des vitamines, pardon, des fruits.

maison d'en face maison d a cote Mr Chum fait le plein travail dans les rizieres marche preparation des champs Temple - detail

La vie au village coule tranquillement. La presque unique activité, c'est la culture du riz. Les gamins ramassent des herbes, pêchent, s'occupent du ménage et les grands des petits.

rassemblement spontané

Voilà ce que peut spontanément provoquer un petit tour à pied dans le village. 15 gamines sorties de nulle part qui viennent jouer avec nous et pratiquer l'anglais appris par les grandes le jour même : "stop", "walk", "stop", "wa...

Belle expérience, merci Natalie, merci Mr Chum, merci les enfants.

La côte sud du Cambodge

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Après Angtasom, nous rejoignons en minibus Kampot où il pleut à verses. A Kampot, il n'y a pas grand chose à faire et encore moins sous la pluie. L'attraction locale que cherchent à nous vendre tous les mototaxis, c'est le parc national de Bokor mais la pluie nous fait renoncer et nous partons dès le lendemain pour Sihanoukville, après avoir dévalisé le marchand de yaourts à la fraise, de Pringles et de M&Ms. Mon pantalon est quant à lui tellement terreux et usé qu'il finit le voyage ici, coûte que coûte, la chemise doit elle encore tenir un peu!

Nous partons toujours en minivan pour Sihanoukville. Cette fois, nous sommes en pointe 29, une poule et ses poussins dans le minivan. Il faut même en faire voyager 2 sur le toit car vraiment, cela ne tient plus. Un poussin qui s'échappe de l'arrière disparait en cours de voyage. Je suspecte une mort par asphyxie. La route est à l'image des routes cambodgiennes principales : presque entièrement pavée, mais dégradée et les passages de ponts sont particulierement durs a supporter.

A Sihanoukville, il pleut, comme visiblement tout le temps depuis un mois mais nous avons l'eau chaude et la télé dans la chambre. C'est la fête! Cela dit, pas la peine de s'attarder, la mer, ça sera pour plus tard. Retour sur Phnom Penh une dernière fois pour rejoindre Siem Reap.

Angkor

Angkor Vat

J'avais decidé de réserver l'attraction touristique principale du Cambodge, la seule véritable d'ailleurs, pour la fin. Angkor, un de ces rares endroits au monde qui font rêver d'un passé idyllique ou, pour certains, d'essayer de jouer à Lara Croft, à tel point d'ailleurs que mon mototaxi n'en revient pas quand je lui dis que je n'ai pas vu le film qui visiblement a dopé les visites du site.

J'opte pour un pass 3 jours à 40 dollars, soit un peu plus que le salaire mensuel officiel d'un cambodgien, qui heureusement n'a pas à payer pour visiter le site. Mon conducteur me précise que les 40 dollars vont dans les caisses d'une société privée et visiblement principalement de son président, un des hommes les plus riches du Cambodge et non à la conservation et l'entretien du site. Cela ne m'étonne pas mais j'ai peur que le Cambodge se rende compte un peu tard de son erreur.

16 heures de visite non stop sur 2 jours, j'abandonne le troisième jour. Je suis repue de temples, de bas reliefs, de têtes de bouddhas, de jungle. Angkor Vat est tout simplement impressionnant, en particulier ses bas-relief qui semblent s'étendre sans fin sur tout le périmètre du temple. La cruauté des khmers s'étalent en toute splendeur le long de la façade sud qui décrit tout type de supplice. Polpot n'a même pas eu besoin de faire preuve d'imagination!

Je suis touchée par les temples de Prey Khan et surtout de Ta Nei où je suis la seule visiteur. Il faut dire qu'il faut marcher un kilomètre dans une route en terre, au milieu des papillions, des fourmis et des araignées pour le rejoindre. Pendant quelques secondes, j'ai vraiment l'impression de découvrir ce petit temple dans la jungle.

Le site est tellement immense (la cité des femmes est à 30 kilometres de Angkor Vat) et la saison basse que l'on ne ressent pas l'oppression de la foule. Le seul bémol est la plus que jamais omniprésence des vendeurs en tout genre. Il n'y a finalement que les mototaxis qui me laisse tranquille car généralement les touristiques louent les services d'un conducteur pour la journée.

Lors de ma deuxième et dernière visite à Angkor Vat et aussi mes derniers instants au Cambodge, je me repose en profitant de la vue des magnifiques Apsara au sourire débordant et aux seins gonflés lorsqu'un jeune et gras cambodgien arrive en courant, voit les Apsara et use de la liberté presque totale accordée aux touristes, il n'y aurait de toute facon pas assez de gardes pour tout surveiller, pour sucer vulgairement les seins d'une belle de pierre. Je suis outrée par ce petit porc. J'ai envie de l'insulter pour dégrader et déshonorer son patrimoine. Mais je me rends compte en même temps que c'est le premier cambodgien que je vois agir de manière vulgaire et dégradante, en particulier vis a vis des femmes. Cet obèse contre-exemple me fait comprendre combien il est plus simple d'être touriste au feminin en Asie. Combien de fois aurais-je été complimentée, ennuyée, exaspérée dans le même temps dans les rues de Paris? Et combien de français posent instinctivement leur main et pourquoi pas leur bouche sur ces belles ?

Porte sud Angkot Thom Porte sud Angkor Thom Le Bayon - detail Porte Nord Angkor Thom Bantey Srei - La cite des femmes - detail Ta Nei Ta Keo Vue globale Angkor Vat

14/08 : Le départ

Je bois mon dernier fruit shake sur un stand du marché et avale mon dernier "cheese baguette", soit en français correct "sandwich à la Vache qui Rit", ironie d'un nom mêlant les maigres restes d'un héritage colonial de cent ans et le mauvais anglais touristique.

Je quitte Siem Reap le 14 août direction Bangkok via Poipet. Il n'a pas plu depuis 2 jours et la route Siem Reap - Poipet en mini-bus est praticable. Nous devrons toutefois nous arrêter une fois pour changer une roue et une deuxième fois pour vérifier le moteur. La deuxième fois, à l'ombre d'un arbre, sous lequel repose tranquillement une petite bombe qui vient juste d'être déterrée...

Conclusion

Une fois de plus, je m'interroge sur un pays qui semble en constante régression depuis la période angkorienne. Mon détesté Lonely Planet dans la section histoire indique que lors du premier millénaire de notre ère, les cambodgiens cultivaient le riz et vivaient dans des maisons sur pilotis. Mais qu'est-ce qui s'est passé depuis ? Rien. Quelle évolution ? Aucune. Quelle nouveauté ? Citons peut-être la moto qui pollue le paysage et permet surtout de faire un peu plus de bruit que la charette.

Je suis étrangement fatiguée par ces trois semaines. Beaucoup d'émotions, beaucoup trop de questions et la sensation frustrante de ne pas avoir reussi à aller assez loin pour mieux comprendre le pays. Mais évidemment, trois semaines, c'est la durée ideale pour découvrir les bonnes questions, mais pas les réponses.

Voilà, comme vous l'aurez compris, le carnet suivant, c'est... le Laos. Eh oui, mon visa est prêt et ce n'est pas 5 jours passés à regarder des films et préparer mon site web qui me permettent de faire un carnet Thailande tout de suite.


Dernières modifications : 20/08/04
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