Retour au séjour organisé
Après quelques semaines de travail bien chargées, convocation à 5h30 à Roissy T3 pour prendre l'avion. Vive les vols charter. C'est donc bien fatigués que nous arrivons à Dakar pour découvrir nos compagnons de voyage et l'agence qui nous guidera.
Vacances repos bien méritées. Je retrouve les joies du voyage organisé, quelques 6 ans et un tour du monde après. Un agréable monsieur, français installé au Sénégal nos prend sous son aile et certainement plein de bonnes intentions commencent à nous décrire « le programme » : « Vous partirez à..., là vous verrez... puis vous ferez... Très fatiguée par le vol, cette perspective d'annihilation de ma volonté et de faculté de décider m'enferme dans un mauvais mal de crane. Direction le lit sous 35 degrés pour essayer de me rafraîchir les idées.
Pendant ce temps, mes camarades découvrent les jardins de Dakar, ou plus exactement ceux de la Patte d'Oie, qui désormais fait partie de la grande banlieue de Dakar.
Vers le Niokolo Koba Dès le lendemain, nous partons pour un périple long et fatiguant : plus de 12 heures de route cahotique nous attendent avant notre destination théorique du soir : un campement du parc.
Après un superbe lever de soleil sur fonds de champ de baobab (dire que nous avons fait temps de kilomètres pour en voir un en Afrique du Sud),
Après avoir longé des dizaines de lotissement viabilisés mais non construit en périphérique de Dakar, vers le nouvel aéroport,
Après avoir essuyé une première panne sur un des 4*4,
Après avoir essayé de négocier une contravention pour ceinture non attachée, Après avoir traversé des salines impressionnantes (et c'est là que je hais les voyages organisés car on n'a pu que voler une photo sans s'y arrêter plus),
Après une pause repas - pastèque (de fait, la troisième de la journée, à midi à peine passé) bien méritée,
Après 4 heures de tohu-bohu sur une route défoncée, seulement LA route qui relit le Mali à la mer, soit dit en passant,
Après une nouvelle panne de 4*4 dans un bled charmant,
Nous arrivons finalement à la nuit largement tombée dans un campement "ami" proche de l'entrée du parc. L'accueil ne peut paraitre que faux et superficiel mais la perspective de dormir coupera court à toutes mes considérations. Je n'ai pas le courage de mes fidèles compagnons qui vont assister à la fête du village, je m'écroule de sommeil.
Le Niokolo Koba
C'est en poussant que la journée du lendemain commence (bon, tout le monde ne peut pas pousser, sinon, il n'y aurait pas de souvenir). Après un dernier bain de foule, nous entrons dans le plus grand parc animalier d'Afrique de l'Ouest : il y aurait même encore des lions, mais cela fait longtemps que l'on n'y croit plus !
Nous sommes en fin de saison des pluies. Au delà du spectre des moustiques porteurs du paludisme, l'impact sur le paysage est impressionnant : les hautes herbes envahissent tout. Les 4*4 s'y faufilent parfois à peine visibles. Il est donc rare d'avoir de longues perspectives dégagées et d'observer autre chose que des oiseaux. Un arrêt nous fournit malgré tout une rencontre impressionnante : une colonie de babouins squattant un village abandonné dans la zône d'accès, entre l'entrée et le coeur de la réserve, au milieu d'une forêt de teck, nous bloque la route. Ils sont des dizaines à nous dire que nous ne sommes pas les bienvenus chez eux.
Le coeur du parc est sans conteste magnifique : mare couverte d'herbes et regorgeant d'oiseaux multicolores, rivière qui me replonge dans de superbes souvenirs du Taman Negara en Malaisie : palmiers, antilopes, crocodiles, hippopotames de loin, soleil couchant sur pirogue, mais à moteur... Superbe. Et en plus, en prime, nuit en camping sous l'orage et les éclairs de chaleur. Que demandez de plus ?

Vers le pays Bassari
Nous avons encore beaucoup de route à parcourir avant d'arriver dans les seuls paysages montagneux du Sénégal. A plus de 100 à l'heure, nous traversons le parc Niokolo Koba (sur une vraie et plutot bonne route - évidemment, elle ne va pas vers le Mali) avant de traverser le fleuve Gambie, qui donne son nom au petit pays anglophone enclavé dans le Sénégal.
Nous déjeunons à Kedougou, dans le restaurant du père de Diouf, imaginez-vous ! Un clin d'oeil qui témoigne une fois de plus de l'importance du sport roi au Sénégal. Soi dit en passant, je n'ai vu ni Diouf, ni le père de Diouf et reste presque aussi inculte en la matière. On pourra dire que le steak frites était bon. C'est tout.
Je profite de la pause pour immortaliser un autre dieu du Sénégal, une marque reine presque aussi, voire plus omniprésente que Coca-Cola et Nike ici: Orange. Boutiques à l'orange électrique qui dénote dans des villes où l'on peine à payer l'électricité, cartes téléphoniques vendues à la sauvette à tous les carrefours, bienvenue et bonne route à chaque entrée et sortie de village, Orange innonde le Sénégal. Plus intéressante, la courte visite improvisée du marché de Kedougou. Jamais je n'avais vu encore que l'on vende des pates par sac de 22,5 grammes. Imaginez combien de sac il faudrait que j'achète pour nourrir l'ogre à la maison...
.Mais il reste encore 4 heures de route pour Ethiolo... On va enfin pouvoir tester les 4*4...

Le pays Bassari

Nous logeons chez Balingo, l'incontournable de l'ethno-tourisme local. Fier de nous présenter sa culture ou seul des Bassari à avoir défié sa culture pour l'ouvrir aux étrangers, il n'est pas évident de mettre le personnage dans une case. Mais nous sommes parfaitement reçus et le campement de Balingo présente des détails d'occidentalisation, de civilisation, bref, on ne sait pas comment les appeler, qui ne sont pas désagréables.
J'en profite pour découvrir ces plantes dont on parle souvent, mais que l'on voit jamais : arbre à karité, plant d'arachide, gombo, mil, fruit du baobab, vin de palme, coton.

Une vie à la campagne rude : pas d'eau, pas d'électricité, pas de téléphone, pas de route. Ethiolo est à 9 kilomètres de la ville de Salimata. Les jeunes ne rêvent que de jeans moulants, de discothèques et d'exil. Les professeurs ne veulent pas venir enseigner à Ethiolo et la grande école reste fermée faute de personnels.
A Salimata, c'est jour de marché. Les petites rues sont bondées de boubous, de marchandises vendues au gramme. Chaque éthnie est là : les guinéennes vendent des vêtements, les bassaris des légumes,... Un capharnaum assourdissant, puant, suant.
Nous y recroisons Denis, essayant vainement de convaincre l'assemblée des chefs de village de la région de l'aider à faire changer les choses. Blancs parmi les noirs, on nous propose d'assister à cette réunion de notables. Je ne comprends. J'ai du mal à faire la part des choses entre la bonne volonté et l'ingérance, la pertinence du but recherché et de la manière de faire.
Quelques instants de repos pour oublier la chaleur accablante et s'est reparti. Nous commençons le grand retour, avec un petit crochet par le pays bédik, autre éthnie minoritaire du Sénégal.
Les ethnies peul

Sur la route, Badara, un de nos chauffeurs, s'arrête pour acheter du lait caillé à un de ses frères éthniques. Barada est toucouleur, une éthnie proche de l'éthnie peul. Le type de case change, les peuls sont désormais sédentaires mais restent isolés les uns des autres.
Le pays Bedik
Nous sommes toujours à deux pas de la frontière avec la Guinée. Les villages bédik se cachent dans les collines et offrent des vues époustouflantes sur la savane raillée par la piste en latérite. Le spectacle des femmes pillant le mil nous renvoie à un autre temps. Mais la sensation de déranger cet ordre millénaire me hante.

Le retour à Dakar
Il est l'heure de reprendre la route : plus de 12 heures difficiles nous séparent de Dakar. Notre dernière vision de nature sera pour la pause repas, aux portes du Niokolo Koba, bien accompagnés par une famille de phacochères.
Dakar
Il est dur d'appréhender l'once du fonctionnement d'un pays si on n'en voit pas la capitale, généralement le concentré des inégalités, à la fois moteur et repoussoir d'un pays. Il est dur de faire comprendre à un organisateur de voyages que le voyage, ce n'est pas qu'une vision idyllique et restrictive des choses : un concentré de sourires, de nature.
Nous ne serons pas décus par notre petite balade dans Dakar ! Après une visite bien standard des grandes institutions touristiques : le palais présidentiel, la vue sur l'île de Gorée, la BA160 (je m'éloigne du sujet...), diverses mosquées, nos arrivons au phare des mamelles pour un superbe panorama de la ville. Délesté de nos sacs restés dans la voiture, nous finissons la journée par une visite bonus d'une gendarmerie, d'un télécentre et du consulat de France pour finalement pouvoir prendre l'avion à 23h avec des laisser-passer pour Sylvain et Isabelle.
Tourisme ou voyage ?
J8 : Voilà la semaine est finie. Dès demain, le travail et la vie quotidienne reprendront leur cours. Nous avons pris une bouffée d'air chaud, une bouffée de dépaysement. C'était certainement salutaire pour nos organismes fatigués de stress et de pollution parisienne. Nous avons rencontré des gens d'horizons différents que je remercie tous pour ces moments passés ensemble : Isabelle, Sylvain, Valérie, Laurent mais aussi Badara, Alioune, Balingo, Denis et Chantal.
Et pourtant, il reste avant tout cette insatisfaction de ne pas avoir assez préparé le voyage, d'avoir suivi un guide qui m'a montré ce qu'il voulait me montrer, qui m'a introduit dans des milieux où je n'aurais certainement pas pu accéder seule, ce qui prouve bien que je n'avais pas de raison d'y aller.
Je garde en mémoire le regard de mépris de notre hôtesse, Chantal, quand nous lui avons raconté que nous avons insisté auprès de nos chauffeurs pour faire un crochet par le complexe hôtelier de Salie - Petite côte pour voir la mer. Cette antre de débauche et de prostitution qui dénature le Sénégal n'est pas digne d'un regard pour elle. Et j'ose m'interroger : qui fait plus de mal au Sénégal ? les bonnes âmes qui nous introduisent dans des lieux qui cherchent à garder leurs coutumes ou les sans gênes qui parquent les touristes dans des complexes coupés du monde ? ceux qui veulent sauver à tout pris des populations qui n'ont rien demandé ou ceux qui affichent ostentoirement leur volonté de récupérer quelques mannes des populations riches en quête de soleil et de détente ?
Voyageuse, je resterai. Cette soif de l'autre et de l'ailleurs, je n'arrive pas à l'assouvir. Mais j'éviterai de retomber dans le piège de l'éthno-tourisme.
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