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200 jours sur la TerreBilan |
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Je suis à Bali, je loge dans un joli petit bungalow au fond d'un jardin, je viens de prendre un long bain chaud, de me regarder longtemps dans un miroir, bref je redécouvre le luxe de prendre du temps pour soi dans un cadre qui n'invite qu'à la paresse. Très vite, je me lasserai de ce confort. Pour l'instant, j'en profite pour faire le point avant d'aller prendre le premier avion de mon parcours. ![]() 200 jours...Passés vite, passés lentement. Je n'irai pas plus loin par voie terrestre. 32000 kilometres, 760 heures de transport soit tout de meme 31 jours et 19 nuits dans les trains, les ferries, les bus, 75 logements différents. Mais évidemment, cela ne sert à rien de réduire ce trajet a des chiffres. J'ai découvert le plaisir de la lenteur. Jamais de désoeuvrement, jamais d'ennui. Le temps s'est figé dans une bulle de 200 jours à travers des pays nouveaux, à égrener les kilomètres tranquillement, à effleurer des cultures différentes, à bousculer mes habitudes mentales. 200 jours pour 9 pays, c'est bien trop rapide pour appréhender aucun d'eux, juste le temps d'effleurer leurs richesses, le temps d'avoir envie d'en savoir plus au retour, de décrasser sa culture européenne. Le plus beau de tous les ... du mondeJe reprends la formule du bilan trois mois pour faire le point sur les merveilles du monde et réactualiser mon "best of". Promis, je ne regarde pas la liste précédente en écrivant ces lignes. S'il y a apparente incohérence, c'est que j'ai changé, j'ai oublié. Les moments
Les bruits
Les odeurs
Les vues
La nourriture
Les leçons de vieVoila pour les listes, mais ce n'est pas le plus important. Au cours de mon voyage, j'ai aussi croisé dieu sous toutes ses formes : vénération pseudo-bouddhique des ancêtres en Indochine, culte confucéen-taoiste-bouddhique en Chine qui se retrouve dans certains traits de l'hindouisme balinais, tradition musulmane du sud de la Thaîlande à Flores en Indonésie, luthérisme, calvinisme, catholicisme, orthodoxie. La liste est longue, les rites sont différents, la peur de dieu ou du non dieu est partout la même, exhibée. J'ai tristement appris à mentir sur moi. Je suis tour à tour mariée, fiancée, veuve, étudiante, touriste, à la recherche de mon ami qui m'a pourtant donné rendez-vous ici, j'ai souvent 25 ans, je suis parfois tchèque, parfois espagnole. Finalement tout cela a peu d'importance si ce n'est faire plaisir à son interlocuteur, le rassurer, le conforter dans ces idées ou le dérouter. Je ne réponds par le mensonge qu'au mensonge que l'on m'assène pour tout. Je suis convaincue que le travail d'éthnologue demande une patience infinie que je n'aurai jamais. Les vraies rencontres, pour partager, pour échanger, ce sont surtout les autres voyageurs. Essentiellement des anglais ou des anglophones qui inondent littéralement la péninsule indo-chinoise. Cette déferlante impose l'anglais comme langue standard entre touristes et avec les locaux. Je ne peux que me rebeller intérieurement lorsqu'une malaise m'affirme qu'elle adorerait aller en France pour apprendre l'anglais. Dans le magma des connaissances asiatiques, tout blanc est riche, parle anglais et aime le foot. J'ai peu parlé français sauf ces dernières semaines ou dans le désert touristique qu'est l'Indonésie actuellement, j'ai rencontré essentiellement, mais cela reste très peu, des francophones. Insidieusement, ces six mois m'ont démontré que ce qui me manque le plus cruellement, c'est finalement l'esprit français. L'anglais est pratique, jovial, spontané. Le français est préparé, équipé, analytique, factuel, réflechi, sérieux. J'aime les deux cultures, les deux langues mais j'attends avec impatience de retrouver ma dose quotidienne de vision du monde à la française. Les leçons de voyageJ'ai encore beaucoup à apprendre. Seule, j'apprends à faire confiance ou plutot à savoir quand exercer la méfiance, quand la confiance. J'ai encore énormement de marge de progression pour oser m'ouvrir plus, sans toutefois mettre en péril ma sécurité. Voyager seule est une découverte permanente de soi. On apprend à ne pas succomber à ses peurs de toujours, peur des chiens qui aboient méchamment, peur de cohabiter avec une grosse araignée qu'on aimerait voir loin, à aller vers l'autre quand on en a besoin où quand il est avide de nous connaître. Voyager seule est parfois limitant, personne pour partager son admiration devant les monstrueux travaux des champs entrepris, devant les conditions de vie rencontrées, devant les temples sublimes visités ; personne pour me pousser à descendre cette pente raide et glissante et continuer l'aventure des campagnes un peu plus loin ; personne pour faire le bilan de la journée et égaillant le cinquantième bol de riz du mois. Voyager seule, c'est aussi l'opportunité de rencontrer d'autres voyageurs et de voir les choses de leurs yeux. Mais si la rencontre est trop brève, l'échange n'est que trop superficiel. On ne veut pas recommencer son histoire eéternellement. J'ai parfois envie de simplifier : "oui des vacances, oui, je suis étudiante" comme avec les locaux et puis on est coincé dans le mensonge. Voyager seule avec un -e a la fin n'a pris son sens que ponctuellement en Indonésie. Toutefois, en dehors de certains moments déplaisants, je n'ai jamais eu peur parce que j'étais une femme. Je continue à m'insurger contre la rubrique "voyager au feminin" des guides touristiques qui m'apparaît comme un vestige de machisme dans le monde du voyage. Voyager en routard, en petit budget n'est pas tous les jours drôle. On apprend à supporter la poussière, la saleté, la fatigue des mauvaises conditions de transport, les manques qui nous paraissent les plus élémentaires, une bonne douche, un bon repas. On apprend à faire avec ou sans et on se rend vite compte que l'on ne sait plus faire. Je suis impressionnée par les qualités de débrouilles que l'on trouve aux quatre coins du monde. Mais je me demande si un jour prochain des conditions décentes, meme si bien moins pitoresques, de logements, de nourriture, de transports pourront être offertes à tous. Les leçons pratiquesMais terminons ce petit bilan par quelques considérations plus terre à terre toujours aussi fascinantes pour les "sédentaires". La santéLa santé va de pair avec le moral, c'est bien connu. A part quelques petits chaud-froids en Russie, puis en Malaisie-Indonésie qui m'ont fatiguée pendant deux ou trois jours, quelques inévitables mais tres ponctuels maux de tete, rien à deplorer. Mon stock d'aspirine n'est même pas encore épuisé. Peut-etre par superstition ou par excès de zèle, je continue toutefois à porter consciencieusement mes médicaments par le monde. De l'art du remplissage du sac.J'en arrive naturellement au sujet crucial : le sac, mangé par les rats, déchiré dans les transports indonésiens, il est toujours avec moi. ![]() Il me semble que je m'en sors relativement bien côté remplissage et poids. Pas de surplus côté vetement et j'ai même finalement renoncé à ma chemise usée à la corde sans l'avoir remplacée correctement car je ne trouve pas d'équivalent femme, coton léger, manche longue, design discret, prix honnête. D'ailleurs, que reste-t-il du contenu original du sac ? Pas grand-chose. Tout change au fil de l'usure, des oublis et de l'épuisement des stocks. Je me demande tout de même et non sans un certain plaisir comment cela va être de reprendre les minitalons et les tailleurs après un an de godasse et pantalon lavé à la main tous les 5 jours (le moment où je me dis qu'un an, c'est long!). La seule surcharge, mais considérable que je transporte, ce sont les livres accumulés entre le Vietnam et la Thailande et que je n'arrive pas à changer depuis la Malaisie, ne me résignant pas à lire du Danielle Steel. Fidèles compagnons, je ne me plains pas de leur poids. Mise à jour de l'itinéraireVoyager longtemps sans but trop fixe permet l'adaptation de l'itinéraire défini de loin sur un coin de bureau entre deux livres. Un regard émerveillé d'un voyageur et nous voila partie a PingAn, une indécision, une envie de ne rien faire et nous voilà dans un camion vers Old Muang Ngoy, un visa refusé et ce sera Bornéo. Pour la suite, les aléas des transports aériens me font programmer des changements encore plus radicaux par rapport a mon idée d'avant de partir. A vos crayons :
Le mot du milieu![]() Le compte à rebours en sens inverse est commencé mais il reste encore 166 jours. Je sais déja que je vais rapidement regarder ces six mois en Asie avec nostalgie, et même regretter cette unique douceur de vivre, la chaleur et la sécurité. Un monde totalement inconnu, mythique et mystifié est légerement sorti de la brume qui l'envahissait dans ma tête. Mon monde s'est aggrandi, mon monde est plus beau maintenant. Alors, cette fille est-elle folle?
Foin de nombrilisme et de beaux discours, retournons à l'aventure où nous l'avons laissée. La suite immédiate, c'est donc Bornéo .
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Dernières modifications : 14/11/04 © 2004 - 2010 ![]() |