Enfin, mes grandes retrouvailles avec la montagne et la randonnée. C’est un beau cadeau que m’offre là Christophe et Christine.
Christine nous a concocté un itinéraire aux petits oignons qui suit plus ou moins les GR5 et 55. Christophe a organisé toute la logistique, réservé les refuges et les hôtels, recherché les horaires de trains et de bus, proposé le contenu des sacs. Royal !
Je pars tout de même avec beaucoup d’appréhension sur la capacité de mes petites jambes et mes petites mains à tenir le choc, surtout qu’elles font des siennes depuis 3 jours, il faut dire que j’ai peut-être trop forcé au gymnase et au travail. Une semaine avant de partir, pas malin ! Le sac à dos plein de nourriture atteint les 10 kilos, c’est encore trop, ma seule satisfaction est de savoir qu'il va normalement se vider progressivement.

Les 5 marmottes se retrouvent à la gare de Lyon pour finir le trajet ensemble. Après un petit pique-nique improvisé au milieu du tohu-bohu des chasser-croiser du 1er août, après la chaleur du trajet pour rejoindre Pralognan qui abrutit à peu près tout le monde, la soirée est gastronomique : fondue, tartiflette, diots ou steack voire « et » pour certain que la décence nous empêche de citer ici... Il faut bien cela pour se mettre en condition.
J1 : Pralognan - Peclet Polset (+1000m)
Le réveil a un double effet douche froide : la chaudière de l’hôtel est cassée. Evelyne se risque sous l’eau tout de même, j’avoue ne pas être aussi brave, préférant garder l’occasion en cas de nécessité. Le rideau de pluie qui tombe en continu dehors est lui, pour tout le monde. Il faut se résigner, soit à rester, soit à se lancer pour 1000m de dénivellé sous la pluie. A froid, c’est un peu vache comme coup. Nous partons.
Bientôt mon pantalon fait corps avec moi, l’eau ruisselle dans les chaussures. Le froid me gagne. Difficile de penser à autre chose que la tension du pantalon à chaque pas, sachant qu'il n'y a en plus pas grand chose à voir aux alentours. Le bon point, c'est que cela me permet de faire bien attention à mes petits muscles que je sens s'habituer doucement à l'effort. Au bout de quelques heures, l’arrêt au refuge du Roc de la Pêche est le bienvenu pour se sécher un peu et déjeuner au sec et à table des restes du piquenique de maman. Luxe !
La pluie cesse pendant le repas heureusement.
Une photo avec le Saint Bernard, un petit coup d'oeil rapide sur les montagnes qui aparaissent enfin et nous voilà repartis direction le refuge de Peclet Polset.

La montée est plutôt douce et agréable finalement. La pluie nous menace à nouveau mais ne met pas réellement ses intentions à exécution. Les marmottes, les vraies, sortent se dégourdir les jambes après une matinée terrées dans leur trou. Les plus sportives s'exercent même au combat. Nous traversons les derniers alpages pour arriver progressivement au niveau des éboulis et des glaciers. Les paysages sont superbes.
A l'arrivée, je découvre que mes pieds ont subi un véritable peeling naturel en 6 heures de frottement des chaussettes mouillées, une vraie peau de bébé bien lisse sous la voute plantaire remplace les restes d'ampoules et un autobronzage persistant, certainement dû à l'impression du cuir déteint par la pluie. Une petite séance d'étirements, une bonne soupe, une omelette et un immense bol de riz pour moi toute seule et c'est parti pour une bonne nuit.
J2 : Peclet Polset - L'Aiguille Doran (+400, -1000m)
Le réveil est dur, je sens une tension dans l'ischio gauche qui n'est pas sans me rappeler de sombres souvenirs. Après une bonne séance de massage, la douleur diminue et le muscle se détend. Nous partons pour le col de Chavière, 2796m, plus haut col traversé par un GR selon le topoguide.
Après une belle montée au dessus des nuages, des séances photos et les premières séances crème solaire, nous arrivons dans le pierrier qui précède le col. Première surprise du séjour : trois bouquetins dans les barres rocheuses. Mais comment font-il pour tenir dans ces positions improbables que les marmottes imitent tant bien que mal ?
Les marmottes mâles, bien sûr, décident de laisser leur trace et de rajouter un kern à l'inutile. Après le petit intermède contructeur, la dernière montée bien raide nous amène au col, juste à temps pour observer la vue que les nuages commencent à gagner. Le panorama est superbe.

Il faut maintenant descendre dans les 1000m pour atteindre notre refuge, à l'Orgère, au-dessus de Modane, le point le plus au sud du parc que nous atteindrons. Les nuages nous laissent le temps d'une belle pause casse croute et nous rentrons à nouveau dans une brume laiteuse qui bouche de plus en plus la visibilité. Après une vraie pause repas au refuge de l'Orgère, nous finissons le trajet du jour et les 20 dernières minutes sans visibilité pour atteindre notre magnifique refuge du soir, le refuge de l'Aiguille Doran qui nous attend avec une soupe à la laitue et un roti aux champignons bien sympatiques.
J3 : L'Aiguille Doran - Plan Sec (+1000, -500m)

Ce beau refuge est vide ! Mise à part une dame qui suit la Via Alpina, nous sommes les seuls clients, les tentes mini mini sont bien seules dans un pré si vaste. Evelyne et moi sommes royalement installées dans un dortoir 20 places pour nous toutes seules. Après un déjeuner gouteux, une séance photo, nous partons pour une belle étape qui nous mène au refuge du Plan Sec.
Nous commençons par une montée dans les alpages. Nous faisons une première pause improvisée pour laisser passer un troupeau de brebis et son patou gardien. Pas de trace du berger, nous apprendrons une heure ou deux plus tard et plus haut que ce bout de troupeau était égaré, dommage pour le berger qui doit les remonter. Puis nous croisons un superbe spécimen plutôt attachant avec sa jolie croix de Saint André dans le dos, séquence émotion. Encore quelques chevaux et nous sortons des sous-bois et des herbages et par la même occasion des nuages.

La route se poursuit par un faux balcon qui nous donne de très belles vues vers les lacs amont et aval, lacs réservoir contrôlés par barrage et offre d'innombrables possibilités de cueillette de myrtilles à Evelyne. Après une belle sieste sur une grande pierre plate, la route se poursuit par une dernière descente - montée pour atteindre le refuge de Plan Sec.
J4 : Plan Sec - L'Arpont (+800, -800m)
Cette douce nuit tranquille des Alpes me permet de réflechir un système qui remplacerait les maudites cloches de ces maudites vaches qui, non contentes d'être insomniaques, profitent de la fraicheur pour brouter toute la nuit. Et quand une vache broute, comprenez pourquoi, elle bouge insidieusement la tête, ce qui fait bouger la cloche. Une cloche oui, mais des dizaines de cloches... La marche est aujourd'hui longue et plutôt monotone. Le refuge ne m'a pas fait mon plat de riz hier et j'ai sous-estimé le besoin en calorie. La ratatouille et la soupe étaient bonnes, mais insuffisantes.Je commence à imaginer des grains de riz en tutus roses autour de moi.
Nous passons de faux plats en faux plats ou de vrais faux balcons en faux vrais dénivellés. Le temps est magnifique, il ne fait pas trop chaud, peut-être que je subis un peu de fatigue mais cette étape me parait fastidieuse et c'est le gros désordre au refuge de l'Arpont, bondé, sale, pas organisé. Il faut dire que les refuges précédents avaient mis la barre assez haut.
J5 : L'Arpont - La Femma (+800, -800m)
La nuit est beaucoup moins bucolique que la précédente et beaucoup plus classique en randonnée. Je suis bercée par le ronflement de ma voisine et dors comme un loir. J'ai la mauvaise surprise au départ de me rendre compte que mes chaussettes, mes belles chaussettes Décat*** Orange au fumet si particulier du 5eme jour, laissées le soir dans les chaussures à l'extérieur du dortoir, ont disparu ! Après 10 minutes de recherche au fond du sac, dans le refuge, une dame me les rapporte. Ouf, ca aurait été dur de dormir avec les chaussettes de marche de la journée.
L'étape du jour est superbe. Le temps parfait. Nous passons la matinée à remonter vers Entre-Deux-Eaux, en passant par des pierriers, une vallée glacière qui nous donne des vues superbes sur la vallée de la Femma que nous remontons dans l'après-midi.
Le refuge de la Femma parait tout neuf, nous y croisons un garde du parc qui nous fait un petit exposé dans l'herbe et nous fait observer un chamois à la longue vue. Et puis nous nous régalons d'un plat de riz-lentilles, le bonheur !
La Femma - Le Fond des Fours (+600, -500m)

La Femma est le repère des marmottes. Il y en a partout. Il y en a même une que je vois rentrer dans la salle de stockage des chaussures où je me trouve. Nous quittons ce beau refuge sous le beau temps pour une nouvelle superbe étape avec comme premier objectif, le col de la Rocheure, à 2911m. La montée est relativement douce et se fait dans les alpages. Ce n'est que quelque minutes avant le col que nous rentrons dans les pierriers pour déboucher sur une vue panoramique magnifique.
Après le col, nous passons deux petits névés qui sont surtout une occasion de faire des photos, histoire de dire. Cela n'empêche, le cadre est superbe et j'adore me retrouver tout là-haut dans cette débauche et ce chaos minéral. Au loin, le Mont Blanc nous domine. Partout des cailloux parsemés des derniers névés résistants et d'autres qui n'ont pas résisté et sont devenus mare, en bas, les vallées glaciaires.
Mais il ne faut pas traîner car les nuages arrivent. Après la pause pique-nique, nous repartons pour le refuge du Fonds des Fours. Ces messieurs enchaînent par le col des Fours pendant que ces dames se prélassent devant une tisane des Deux Marmottes, cela va de soi.
A 18h, le temps devient franchement mauvais et le vent souffle violemment. Quand on sait qu'il est interdit de planter les tentes avant 19h dans le parc, on comprend mieux le problème. A 21h, le vent souffle toujours autant et les campeurs craquent, ils nous rejoindrons dans le dortoir cette nuit, il fait trop mauvais pour planter la tente. Le mauvais temps ne nous empêche pas de fêter dignement l'anniversaire d'Evelyne avec tarte aux myrtilles pour tout le monde et bougie pour Evelyne spécialement portée par Chris2.
J7 : Col des Fours - Val d'Isère (-700m)
Au réveil, les nuages ne sont toujours pas dissipés et ne semblent pas réellement disposés à le faire avant un petit moment. Nous chargeons les 4 énormes pique-niques préparés par le refuge et après une recherche vaine du chamois, nous partons pour Val d'Isère où Evelyne doit récupérer le car.
Quelques minutes après le départ, nous tombons nez à nez avec un chamois presque aussi surpris que nous. Il décide de se positionner à une distance raisonnable pour nous observer tranquillement et nous faisons de même. Après cette rencontre sympatique, nous poursuivons la descente sous un ciel gris peu amène. Nous croisons à nouveau des fermes, des chevaux et postée juste après le panneau du parc de la Vanoise, une marmotte en position de la marmotte, offerte au regard de tous les marcheurs.
Encore presque une heure de marche sur la route et nous rejoignons Val d'Isère, ces petites boutiques de mode, ces petits cafés, les porsches de ces clients. Une pause à la décheterie où nous larguons les poubelles de la semaine et les fidèles outres modernes, un dernier petit restaurant ensemble et Evelyne part juste avant la pluie.
Le temps s'annonce encore pluvieux pour le lendemain et la journée longue. Après de longues tergiversations, une averse de trop nous décide pour prendre une navette et rejoindre Tignes, ce qui nous économisera deux heures de marche sous la pluie. A désormais 4 marmottes, nous nous retrouvons donc à l'UCPA de Tignes pour une séance douche à l'eau chaude, lavage des vêtements et saumon et fruits à volonté au dîner. Repue, je m'endors bien vite alors que les autres marmottes à l'âme nightclubeuse partent arpenter les rues de Tignes en recherche d'un karaoké, visiblement introuvable.
J8 : Tignes - Col de la Leisse (+700, -400m)
Après ce petit intermède dans la vallée, nous repartons désormais à 4. De Tignes, il faut remonter longtemps le long des poteaux de télésiège puis dans les alpages pour atteindre le col de la Leisse. La montée offre des vues superbes, heureusement d'ailleurs quand on doit attendre un quart d'heure ou plus le passage du troupeau de moutons. Au passage, nous sauvons une pauvre brebis qui était tombée dans un trou pas loin de nous et n'arrivait pas à se relever toute seule.
La montée se poursuit jusqu'au Col de La Leisse, 2700m, qui n'offre pas de vue spectaculaire. La fatigue accumulée depuis une semaine commence à se faire sentir. La rotule de Christine se coince et il faut être prudent dans la descente. Un petit détour pour adoucir la pente nous fait découvrir un champ d'Edelweiss et semble par la même occasion réparer la dite rotule. Nous pouvons continuer prudemment mais plus sereinement.
Pas loin du refuge, le lac de Leisse offre un cadre idylique pour le pique-nique et une courte sieste car une fois de plus, les nuages s'amoncellent et il ne parait pas prudent de traîner trop. Quinze minutes plus tard nous sommes au refuge et les nuages se densifient de plus en plus. Pour une fois, le refuge accepte une dérogation pour planter les tentes à 17h alors que la pluie menace, le vent commence à souffler beaucoup et le froid, en à peine deux heures, s'est bien installé. Tentes montées, il ne reste qu'à jouer aux fléchettes en attendant le repas.
J9 : Col de la Leisse - Col de la Vanoise (+400, -400m)
Au petit matin, la pluie ne tombe plus mais les nuages sont toujours là, saturant l'air. Il fait froid et humide. La météo prévoit une éclaircie le matin, des orages et de la pluie l'après-midi, nous partons donc pour les éviter. Le ciel en décide autrement : après à peine une demi-heure de marche, nous rentrons à nouveau dans la pluie et c'est l'occasion pour moi de tester la marche en poncho (merci, Evelyne). L'avantage du poncho, c'est qu'il réchauffe, ses inconvénients ne seront pas détaillés ici. D'ailleurs, il n'a pas plu très longtemps et les nuages ont très vite disparu, découvrant une vallée superbe, un endroit parfait à chamois qui se cachent des randonneurs. Nous descendons doucement vers Entre-Deux Eaux par un superbe chemin mais avant d'arriver au refuge, comme quelques jours plus tôt, nous bifurquons pour remonter sur le col de la Vanoise.

Le beau temps ne dure pas. Arrivés en haut, le vent souffle fort. Il est presque midi, les nuages s'amoncellent et le risque d'orage est fort. Le ventre creux et criant, nous continuons à avancer, sur plat mais en luttant contre le vent et le froid. Nous traversons presque toute la vallée et seulement quelques minutes avant le refuge, nous stoppons dans un coin à l'abri, au bord d'un petit lac presque à sec, pour la pause pique-nique. Nous arrivons au refuge du Col de la Vanoise dans un brouillard glacé.
L'après-midi se termine tranquillement à jouer au Uno et pour Laurent, à montrer sa maîtrise de l'allemand pour en apprendre nos règles à deux petits allemands. C'est le plus gros refuge du séjour, stratégiquement situé au pied du glacier de la Grande Casse, à l'aplomb de Pralognan, près de 100 couchages, camping interdit, accueil correct mais sans plus, c'est certainement le camping qui voit transiter le plus de randonneurs, alpinistes et marcheurs à la journée.
J10 : Col de la Vanoise - Pralognan (-1200m)
Mauvaise nuit, cette nuit, et pas qu'à cause du dortoir bondé. Mes mains me font mal et comme d'habitude dans ces cas-là, je dors peu et suis très fatiguée, le réveil est douloureux. Heureusement, c'est le dernier jour de marche, il fait beau depuis 5h et surtout, je peux me reposer une heure de plus avant la dernière descente sur Pralognan pendant que les 3 autres marmottes retournent sur leurs pas pour voir les lacs sont le soleil. A à peine 100m du refuge, alors que j'observe tranquillement les marmottes, l'option simple, j'entends au loin quelqu'un dire chamois, je me retourne par réflexe et découvrir 3 bouquetins à moins de 20 mètres de moi. Evidemment, le temps de sortir l'appareil de la photo de sa chaussette protectrice, il n'y en aura plus que 2 sur la pellicule !
La dernière descente est superbe. Progressivement je récupère de la vitalité alors que la cheville de Christophe se fatigue. Il semble que tous les touristes de la vallée se sont donnés le mot et montent en procession lente et ininterrompue. On les comprend. Depuis le téléphérique du mont Tabor, il reste une heure de montée par un sentier accessible aux 4*4 pour pénétrer dans le parc et accéder au refuge de la Vanoise.
Nous retournons à l'Epicea Lodge où l'eau chaude est réparée. Le petit détour au Casino m'a permis de faire des provisions de fruits qui m'ouvrent l'appétit avant le repas du soir à l'hôtel de la Vanoise, histoire de se rappeler que la civilisation a du bon tout de même.
J11
Et voilà ! Ces dix jours ont passé bien rapidement finalement. Une bonne soixantaine d'heures de marche m'ont remise en forme. Nous revoici dans les TER, bientôt le brouhaha de la Gare de La Partdieu. Je prolonge un peu l'aventure en rentrant à pied de la gare jusqu'à la maison. Une grosse douzaine de kilomètres de route goudronnée en plein soleil, c'est finalement plus épuisant ou, en tout cas, bien moins agréable que les montées de la Vanoise.
Un dernier grand merci à Chris2, Laurent et Evelyne pour ce beau voyage.
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